Camila Aloisio Alves^[1], notre formatrice sur l’éducation thérapeutique par les approches narratives, nous partage sa vision de l’accompagnement éducatif de la personne, centrée sur une approche pluridisciplinaire et favorisant son pouvoir d’agir.

On dit souvent que la vie est un chemin. Mais qui avance vraiment seul ? Quand les épreuves surgissent au détour d’une route, quand tout vacille, qui voulons-nous à nos côtés ? Cherchons-nous une présence qui agit à notre place, qui nous tire vers une direction choisie pour nous… ou bien une main qui ne force pas, une oreille qui écoute sans juger, une présence qui ne s’impose pas ?

Si ce que nous espérons, c’est quelqu’un capable de marcher à nos côtés, à notre rythme, acceptant les phases d’accélération, ainsi que les temps d’arrêt, alors nous cherchons une relation fondée sur le partage et la co-construction de savoirs. Dans les métiers de la santé et du médico-social, cela signifie replacer au centre de nos pratiques la notion d’« accompagnement » telle que l’a pensée Maëla Paul : une posture qui rappelle que le soin ne se réduit pas à la technique, à l’intervention ou à la solution transmise, mais qu’il se nourrit d’une rencontre et d’un récit partagé.

Les questions qui se posent alors sont : comment construire cette relation ? Sur quelles bases peut-on fonder notre pratique professionnelle pour arriver à accueillir la personne et l’accompagner véritablement ?

Commencer à répondre à ces questions demande de poser un regard, ouvert et disponible, sur la personne accompagnée afin de la comprendre avec, au-delà, et malgré sa maladie ou son handicap. Cela peut sembler simple et complètement intégré à la pratique des professionnels des domaines de la santé et du médico-social, mais de nombreuses expériences montrent tout à fait le contraire : des témoignages et des récits de patients et de bénéficiaires qui rapportent le manque d’écoute, d’empathie, d’une posture compréhensive et de reconnaissance de la personne dans son parcours de vie, sans la réduire à ces problèmes ou limitations de santé.

Formés pour porter la charge d’autrui et apporter des solutions ; formés pour diagnostiquer et intervenir, corriger, sauver, traiter, les professionnels peuvent se sentir démunis ou épuisés face à la souffrance psychique et émotionnelle des patients, ce qui, par conséquent, déclenche une souffrance dans le quotidien du travail au point de provoquer un burn-out ou une fatigue d’empathie.

Entre ces deux expériences, si singulières, mais pleines de points d’intersection, se situe un processus d’acquisition de compétences communicationnelles, relationnelles et réflexives favorisant la construction de l’accompagnement comme posture humaine et professionnelle. Pour mettre en place ce processus, il s’avère nécessaire d’apprendre à ajuster la posture pour aller à la rencontre de, et être avec la personne, à ses côtés, et fonder, dans cette relation délicate et intense, un espace narratif où la personne retrouve une voix — et une place.

L’expression de sa voix, dans toute sa puissance, devient un moyen d’accès aux expériences vécues et un levier de travail pour établir une relation d’engagement réciproque. C’est là que les approches narratives — qu’il s’agisse du récit biographique ou des méthodes d’explicitation — se montrent précieuses dans la formation et dans la pratique des professionnels. Mais, pour quelles raisons ?

Eh bien, parce que vivre une vie avec, au-delà, et malgré sa maladie ou son handicap, c’est raconter une histoire, qui peut être jalonnée par des moments de confrontation, de deuil, de dépassement, d’apprentissage, de joie, de tristesse, de découvertes et de transformations. Via le récit de vie et l’explicitation des apprentissages, acquis au cours d’un parcours de vie, il est possible de saisir la multiplicité des réalités vécues par les patients ou les bénéficiaires, en les considérant comme auteur·e.s de leur propre chemin.

Au sein de ce travail, fondé sur les approches narratives, les professionnels et les patients ou les usagers, peuvent véritablement construire une relation d’accompagnement et la rendre riche de réflexions et d’apprentissages mutuels. Il ne s’agit pas tant d’atteindre un résultat prédéfini que de soutenir la recherche de sens, la problématisation de l’expérience et l’affirmation du sujet en tant qu’acteur. Habitués   à modéliser des solutions, les professionnels peuvent apprendre via les approches narratives à les mobiliser comme un moyen pour mieux savoir co-construire avec la personne accompagnée. Ce mouvement ne relève pas seulement d’une compétence technique : c’est un véritable entraînement visant à cultiver l’attention, l’écoute, l’empathie, la construction de liens, autrement dit la capacité à se relier et à être touché par un parcours de vie.

Références :

ALVES, Camila Aloisio, RAIMONDI, Martine Janner, et BECK-WIRTH, Geneviève. Reconnaître l’expérience vécue de la maladie : la recherche « Croiser les expériences ». Santé Publique, 2021, vol. 33, no 3, p. 327-336.

ALVES, Camila Aloisio, PROT, Bernard, PACQUOLA, Mariachiara, et al. Mobiliser les savoirs expérientiels pour la recherche et la formation des professionnels de la santé : concepts et méthodologies. Pédagogie médicale, 2020, vol. 21, no 1, p. 53-59.

PAUL, Maella. (2009). « Accompagnement », Recherche et formation [En ligne], 62 | 2009, mis en ligne le 01 septembre 2013, URL : http://journals.openedition.org/rechercheformation/435  ; DOI : https://doi.org/10.4000/rechercheformation.435

ZUCMAN, Elisabeth ; LAPEYRE, Michèle. Auprès de la personne handicapée, Une éthique de la liberté partagée. Reliance, 2007, no 3, p. 135-136.

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^[1] Psychologue, titulaire d’une thèse de doctorat en sciences de la santé. Professeure adjointe à la Faculté de médecine de Petrópolis (UNIFASE/FMP), Brésil, chercheure associée à l’Université Sorbonne Paris Nord, Centre interuniversitaire EXPERICE et membre collaboratrice de l’Équipe Futur, Université de Montréal.