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Voilà bien un débat qui tient en haleine les kinés spécialisés en neurologie depuis plusieurs années. Vous avez tous du apprendre des techniques neurodéveloppementales à l’école, et puis vous avez tous du entendre que la tâche orientée c’était bien plus efficace et que Bobath : n’est pas EBP.
Mais voilà que des auteurs veulent comparer scientifiquement les deux idées.
Alors avant de parler de l’article : quelques avis personnels :
Je ne pense pas qu’il soit très précis de comparer de grandes méthodes. Il y a très probablement dans les deux protocoles que va comparer cette étude des parties efficaces et inefficaces dans les deux bras. Idéalement, il faudrait vérifier l’efficacité de chaque exercice ou au moins le présupposé physiopathologique qui le motive.
- Dans le groupe Bobath, les patients ont réalisé des exercices engageant la motricité du tronc, avec une visée fonctionnelle, et des guidages manuels, parmi :
- Exercices de renforcement des abdominaux
- Etirements du grand dorsal
- Mobilisation scapulaire
- Exercices de facilitations de l’extension du tronc
- Mouvements de rotation du tronc et des extrémités
- Exercices de préhensions dans différentes directions
- Exercices fonctionnels
- Transferts de poids sur les membres inférieurs et supérieurs
- Exercices de marche et d’équilibre
- Dans le groupe tâche orientée, les patients ont répété des gestes fonctionnels entiers ou des séquences de gestes avec l’accent mis sur le nombre de répétitions, parmi :
- Marcher 500 mètres sans support
- Monter et descendre les escaliers
- Remplir un verre d’eau (y compris ouverture du bouchon de la bouteille)
- Déplacer une tasse de café sans en renverser
- Empiler des cubes de différentes tailles
- Boutonner et déboutonner une chemise
Concernant l’article en lui-même, les auteurs ont divisé de manière aléatoire des patients victimes d’un 1er AVC depuis plus de 3 mois et capables de marcher en 2 groupes (16 patients dans chaque groupes):
- Thérapie basée sur Bobath
- Thérapie par tâche orientée
La rééducation a duré 8 semaines, pour 3h de rééducation par semaine.
Ils ont mesuré avant et après l’intervention :
- Les capacités de marche par un tapis de pression.
- Les capacités d’équilibre par une plateforme de posturographie.
- L’épaisseur des muscles abdominaux par échographie, et la mobilité du tronc par l’échelle TIS.
- La satisfaction des patients vis-à-vis de l’atteinte de leurs objectifs par l’échelle GAS.
- La qualité des mouvements par l’échelle clinique STREAM.
Résultats :
Dans les 2 groupes, les patients se sont significativement améliorés sur la qualité de leurs mouvements et la mobilité de leur tronc, sur l’accomplissement de leurs objectifs et sur leur équilibre après la rééducation.
Il y avait une supériorité de l’intervention Bobath pour l’épaisseur des muscles du tronc uniquement.
Concernant les performances de marche, il n’y avait en général pas de supériorité d’un groupe par rapport à l’autre, mais certains critères (important) ont été significativement améliorés après l’intervention tâche orientée et pas Bobath : vitesse, longueur du pas et temps de double appui. Dans le groupe Bobath, il y avait une augmentation non significative.
Conclusion et commentaires :
La kinésithérapie spécialisée, qu’elle soit d’approche tâche orientée ou Bobath, permet des améliorations cliniquement significatives (montrées notamment par l’atteinte des objectifs des patients : amélioration de la GAS).
Utiliser le concept Bobath semble permettre d’améliorer davantage la force des muscles du tronc. C’est en effet un des axes de travail important de la thérapie par ce concept : le tronc doit être stable pour que le mouvement soit bien contrôlé. Les patients du groupe Bobath ont ici réalisé plus d’exercice engageant ces muscles et il est donc normal qu’ils aient plus progressé sur cet axe. Cependant, au final, l’amélioration du score moteur ou des paramètres de marche, ou même de la mobilité du tronc, n’est pas meilleure dans le groupe Bobath.
Les auteurs soulignent aussi que l’amélioration de la marche a été obtenue dans le groupe tâche orientée, qui est caractérisée ici par une plus grande intensité de pratique sur ce thème.
Enfin sur le plan méthodologique, le choix des critères de mesure pourrait être discuté : quid de l’utilisation d’une échelle clinique de l’équilibre, d’une évaluation de l’endurance à la marche ?
Surtout pour l’avenir, 32 patients sont probablement insuffisants pour montrer des différences significatives entre 2 approches qui fonctionnent. Avec un échantillon largement plus grand, il serait peut-être possible d’observer des progressions différenciées selon les groupes.
Sur la base de cette étude, on peut donc recommander d’utiliser les principes guidant ces deux concepts, à savoir l’intensité, l’utilisation de gestes importants pour le patient, le séquençage éventuel en sous-parties du geste, car ce sont probablement ces principes qui ont entrainé la progression significative dans le score de marche.
On peut aussi conseiller (ou en tout cas ne pas déconseiller), de ne pas négliger de travailler la motricité du tronc et de proposer des exercices visant à améliorer le contrôle moteur proximal, en aidant si nécessaire le patient à réaliser des gestes respectant la biomécanique physiologique, et en préparant la séance par des mobilisations (qui ne sont pas fonctionnelles).
Référence:
Sütçü et al., BOBATH vs. TASK-ORIENTED TRAINING AFTER STROKE: An assessor-blind
randomized controlled trial